Grâce aux « after work », on peut phosphorer entre collègues sur le futur de l’entreprise autour d’un apéro informel. Le danger étant que l’idée de génie formulée sous l’emprise du houblon s’évapore aussi rapidement que le taux de l’alcool dans le sang.

Depuis quelques années, la mode de l’after work a transformé les terrasses de cafés en annexes du bureau. Ce rituel, consistant à se réunir entre collègues autour de pintes de bières bon marché une fois la journée de boulot terminée, fait partie de ces nouvelles zones grises que l’entreprise affectionne, voire encourage. Ce n’est ni vraiment du travail stricto sensu ni pleinement du loisir, mais un cocktail entre les deux. Ces agrégations éthyliques plus ou moins informelles peuvent aussi être le fait d’un groupe d’amis qui cherchent à développer un projet de business révolutionnaire, de type pantoufle connectée.

Tous ces cas de figure servent de cadre à une pratique en vogue : le« drinkstorming ». Contraction de drink (« boire ») et brainstorming (« phosphorer collectivement au point de produire l’équivalent d’une tempête de cerveau »), le drinkstorming pourrait se définir comme une réunion camouflée en apéro. Ou, inversement, un apéro travesti en réunion. Dans un cas comme dans l’autre, l’alcool s’invite au cœur des interactions et influe largement sur la phénoménologie des débats.

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Phrases définitives, hurlées à la cantonade

Le premier attrait du drinkstorming est qu’il permet de rompre avec le format extrêmement pesant de la réunion classique, où l’on est habituellement invité à mastiquer des chouquettes dans un état semi-comateux. Cette absence de cadre contraignant, à laquelle s’ajoute une abondance de breuvage houblonné, semble, dans un premier temps, huiler les mécaniques oratoires.

On a alors le sentiment enthousiasmant que la communication se fluidifie et que l’on accède à des idées de génie, comme si elles étaient disponibles en open bar.

C’est généralement à ce moment-là du drink­storming que l’on se met à vociférer des phrases définitives, juché sur ses certitudes d’autoproclamé solutionniste en chef. « Mais c’est ça qu’il faut faire, bordel ! On la tient notre idée », hurlez-vous alors à la cantonade, comme si vous veniez de percer un mystère alchimique. Trop content de votre incontestable clairvoyance, vous reprenez une pinte.

La pinte de trop

Vous n’osez pas vous l’avouer, mais le drinkstorming est en réalité un moyen détourné de satisfaire votre penchant pour l’alcool et le monologue. Après la pinte de trop, votre cerveau, qui semblait jusqu’alors fonctionner en super haut débit, ne transmet plus à vos organes de phonation que des propos incohérents et pâteux. Quelques centilitres de bière d’abbaye surnuméraires auront suffi à vous catapulter du Capitole intellectuel où vous péroriez en majesté, à la roche Tarpéienne sur laquelle vous commencez à baver comme un phacochère fiévreux.

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Il y a quelques secondes à peine, vous teniez pourtant au creux de vos mains une idée phénoménale, dans le genre de celle qui a rendu le patron de Airbnb immensément riche ; mais celle-ci s’est soudain envolée. Tout ce qui semblait s’être clarifié sous l’effet du houblon s’est, en un éclair, radicalement opacifié. Le lendemain, en plus d’un horrible mal de crâne, demeure le sentiment frustrant d’être passé tout près du trait de génie qui aurait pu changer le monde. Ou pas.

Source : Le Monde