Longtemps, les agences de communication ont été les artisans du désir, du récit et de l’image. Mais aujourd’hui, elles se retrouvent face à un tournant décisif : celui de la cohérence. Dans un monde en pleine transition écologique, les campagnes séduisantes ne suffisent plus. Il faut désormais qu’elles soient sincères, alignées et responsables.
Dans ce contexte, les agences, qu’elles soient publicitaires, digitales ou créatives, sont à la croisée des chemins. Entre pression des clients, exigences des talents et critiques croissantes sur le greenwashing, l’heure est à la remise en question. Et surtout, à l’action.
Une pression qui monte : les nouveaux enjeux de la communication responsable
La transformation ne vient pas de nulle part. Elle est poussée par trois forces majeures :
Des clients plus exigeants
Les marques ne veulent plus seulement « bien dire », elles veulent « mieux faire ». Elles attendent de leurs agences des idées créatives, oui, mais alignées avec leurs engagements en matière d’environnement, de diversité ou de gouvernance. Une simple belle histoire ne suffit plus : elle doit être crédible.
Des équipes internes en quête de sens
Le marché du travail change. Les jeunes talents, concepteurs-rédacteurs, stratèges, développeurs…, ne veulent plus prêter leur créativité à des marques polluantes ou à des messages trompeurs. Pour attirer et garder ces profils, les agences doivent repenser leur modèle, leurs choix de clients, leurs valeurs.
Un modèle publicitaire à repenser
Peut-on encore faire de la communication sans interroger son rôle dans la surconsommation ? Dans un monde qui dépasse les limites planétaires, promouvoir toujours plus n’est plus une option viable. La question est là, urgente : quel doit être le rôle des agences dans cette transition ?
Les pièges à éviter : entre greenwashing et incohérences internes
Beaucoup d’agences, malgré de bonnes intentions, tombent encore dans certains travers :
- Le greenwashing créatif : Des campagnes qui affichent des slogans verts sans preuves tangibles, des visuels « nature » qui masquent des réalités industrielles polluantes…
- L’absence d’exemplarité : Combien d’agences ne connaissent même pas leur propre empreinte carbone ? Peu mesurent l’impact de leurs tournages, de leurs campagnes digitales ou de leurs déplacements.
- Le RSE washing : Un tri sélectif ou quelques missions pro bono ne suffisent pas si l’essentiel de l’activité reste incohérent avec les grands enjeux écologiques et sociaux.
Vers une communication plus responsable : des pistes concrètes
Des leviers d’action existent pour transformer les pratiques, en profondeur :
Former les équipes
Sensibiliser aux enjeux climatiques, à l’éco-conception, à la communication inclusive : c’est la base. Cela permet aux équipes de produire des contenus à la fois créatifs, éthiques et ancrés dans le réel.
Choisir ses clients
Certaines agences refusent désormais de travailler avec les industries fossiles ou ultra-polluantes. C’est un geste fort, qui renforce leur crédibilité. D’autres mettent en place des filtres RSE dès l’arrivée d’un brief. Cela clarifie le positionnement et évite les dilemmes éthiques.
Écoconcevoir dès le départ
Format plus court, allègement des contenus digitaux, production locale, optimisation des tournages… Chaque geste compte. Réduire l’impact écologique d’une campagne, c’est possible, et cela peut même renforcer sa pertinence.
Mesurer l’impact
Des outils comme Impact+ permettent de quantifier l’empreinte carbone d’une campagne. Cette approche factuelle rassure les clients, crédibilise les messages et ouvre la voie à une amélioration continue.
Créer une gouvernance RSE solide
Un comité RSE indépendant ou inter-agences peut piloter les engagements, accompagner les transformations et représenter une voix collective. Des initiatives comme la Convention des Entreprises pour le Climat / Communication & Médias en sont la preuve.
Et côté RH ? La cohérence comme levier d’attractivité
Les jeunes professionnels veulent rejoindre des structures qui incarnent ce qu’elles prônent. Une culture d’agence responsable, c’est un avantage concurrentiel. Cela passe par :
- Une marque employeur alignée avec les engagements RSE
- Des fiches de poste qui valorisent les compétences éthiques, inclusives ou environnementales
- La recherche de talents hybrides : créatifs engagés, profils data sensibilisés au climat, stratèges à l’écoute des enjeux sociaux
Et maintenant, on fait quoi ?
Les agences ont un pouvoir immense : celui d’orienter les imaginaires, d’influencer les comportements, de façonner la société. Ce pouvoir doit être utilisé avec justesse.
Aujourd’hui, ne pas agir n’est plus une option. Ce n’est pas une question d’image, mais de crédibilité, de responsabilité, et même… de survie. Construire une communication plus sobre, plus humaine, plus juste : c’est le défi mais aussi la grande opportunité de notre époque.