En termes littéraires, "quiet quitting » signifie démission silencieuse. De quoi inquiéter les patrons... Et pour cause : elle consiste à faire ce pour quoi on a été embauché. Ni plus, ni moins.
Après le « burn-out » (surmenage mental), le « big quitting » (la grande démission post-Covid), voici le « quiet quitting ».
L’expression a été popularisée par une vidéo TikTok publiée en juillet par un jeune Américain qui expliquait ne plus vouloir que sa vie tourne autour de son travail, et appelait ses spectateurs à ne plus considérer que leur valeur dépend de leur productivité. A ne plus souscrire mentalement à la culture de l’agitation selon laquelle le travail doit être notre vie.
LES LIMITES POSÉES FACE À UNE « DYSTOPIE » DU MONDE DU TRAVAIL
Attention, la « démission silencieuse » ne consiste pas à ne rien faire ni à se comporter en dilettante au travail. En fait, il n’est pas question ici de démissionner, mais de se « détacher » de son job. Pour cela, les salariés ne font plus que le strict minimum, du moins ce qui est inscrit noir sur blanc sur leur contrat. Pas de missions supplémentaires, ni de temps passé en plus au bureau. Fini de lire les mails pros en dehors de ses heures de travail à la maison.
Il s’agit de faire ce pour quoi vous êtes payés. Et de bien le faire. Mais sans se mobiliser davantage. Non au stress, oui à la santé mentale, on pourrait résumer.
UN REFLUX PENDANT LA PANDÉMIE
En France, le travail reste trop souvent marqué par un culte du présentéisme, une injonction au surengagement qui transforme en symbole de réussite le fait d’être « sous l’eau » – et qui explique probablement nombre des arrêts de travail pour burn out observés dans le monde de l’entreprise. Sans compter un douloureux manque de reconnaissance et des salaires désormais grignotés par l’inflation.
D’où l’envie de se « préserver » qui a notamment émergé avec la crise du Covid et ses confinements successifs. Quel sens donner à sa vie ? Quelle place prend le travail ? Nombreuses sont les questions qui se sont posées pendant cette période inédite et compliquée.
Ce détachement s’est, par ailleurs, intensifié avec le travail à distance. En effet, avec ce dernier, il est beaucoup plus facile de se sentir moins impliqué, moins intégré à une équipe, et il est plus facile pour les managers de rompre avec les employés et vice versa. Il y a moins de limites entre le moment où le travail commence et le moment où il s’arrête.
DÉMISSION SILENCIEUSE OU RÉELLE PRISE DE CONSCIENCE ?
Reste que le monde du travail est bien en train de bouger. Le confinement et le Covid ont laissé des traces. Ils ont aussi permis à de nombreux salariés de prendre du recul sur la routine métro/boulot/dodo, et de plébisciter les entreprises où le télétravail se pratique plusieurs jours par semaine. Point commun de toutes ces nouvelles motivations : le besoin de concilier vie professionnelle et vie personnelle qui est prégnant chez les salariés. Le contrecoup de ces décennies où il était de bon ton de rester toujours disponible pour son boss, d’enchaîner les réunions, et de travailler le soir ou le week-end.
Vit-on alors le début de la fin des ambitions professionnelles ?
Si l’engouement pour ce sujet nous enseigne autre chose que la force du mimétisme médiatique, c’est bien l’ampleur des changements à opérer dans l’organisation du travail. C’est la suite d’un reflux opéré durant la pandémie dans notre rapport à nos boulots : un rejet, chez certains travailleurs, des formes les plus classiques de l’ambition professionnelle. « La réussite, ce n’est plus d’aller plus haut, pour plus cher », nous disait une juriste de 40 ans qui venait de refuser un joli poste pour plus de paix mentale.
Quiet quitteuse avant la lettre.